Police et jeunes: vers un début de réconciliation?

Le service de concertation de la police locale de la Zone Midi est assez méconnu du grand public. Pourtant, il a une fonction qui n’est pas des moindres: établir le dialogue entre les jeunes et la police. Comment les membres de ce service s’y prennent-ils? Quels sont les obstacles et enjeux principaux?

«L’image que les jeunes – et les gens – ont de la police est complètement faussée.»

Voilà une affirmation qui en fera certainement sourciller plus d’un. En tout cas, c’est ce qu’avance Jamila Mesbahi, assistante de concertation à la police locale de Forest. Ce service, remis sur pied en février 2011 après avoir été supprimé lors de la réforme des polices en 2002 faute de budget, propose d’établir des «ponts» entre la police et des acteurs externes, tels que des associations, des maisons de jeunes ou encore des écoles.

Comment les projets du service se concrétisent-ils? Un des points sur lesquels travaillent Jamila Mesbahi et sa collègue Ana Bazan consiste à faire intervenir un policier dans des écoles primaires. Pourquoi les écoles primaires? Pour établir un «premier contact positif» avec la police. Il s’agit donc ici «d’agir à titre préventif et de favoriser un échange constructif, avant que les futurs adultes ne soient confrontés aux différentes idées préconçues qui sont fortement ancrées dans les mœurs», affirme Jamila.

«La police est raciste», «les policiers sont violents» ou encore «le policier d’origine étrangère est un vendu», voilà le genre de discours que les deux assistantes en concertation ont l’habitude d’entendre. Leur rôle est de déconstruire ces stéréotypes: «Le racisme et l’abus de pouvoir existent, bien sûr! Mais comme partout ailleurs, fait remarquer Jamila. L’enjeu ici est de montrer aux jeunes que le métier de policier ne se résume pas à ces abus.»

La tâche de Jamila et Ana n’est cependant pas toujours aisée. Les acteurs sociaux ne les accueillent pas toujours à bras ouverts. «On nous a plusieurs fois fermé la porte au nez, regrette Jamila.On ne distingue pas toujours notre rôle de celui de la police.» Et, bien souvent, les écoles craignent que la présence de policiers en uniforme au sein de leurs établissements soit mal interprétée par les parents des élèves. Ceux-ci pourraient penser que leurs enfants se trouvent dans une école «à problèmes».

Cependant, tous les établissements ne sont pas aussi méfiants. L’école du Scherdemael, une école primaire à Anderlecht, fait partie des institutions qui ont participé au projet mis en place par Jamila et Ana. D’après un membre du personnel de l’école, ce genre d’initiative est plus que souhaitable puisque «les enfants relativement proches de l’adolescence ont souvent une image répressive de la police. Ce qui aboutit parfois à une cristallisation de leurs frustrations, et engendre des conflits avec la sphère policière». Il ajoute que «l’intervention du policier a permis aux enfants de voir que derrière son uniforme, il y a un homme. Il leur a aussi expliqué des pans de son métier qu’ils ne connaissaient pas ou peu, comme le dressage de chiens policiers par exemple. Ils étaient ravis».

Le service d’assistance de concertation étant assez méconnu du grand public, Jamila et Ana peinent cependant à se faire entendre. Plusieurs associations, telles que la maison des jeunes de Forest, la Fédération des centres de jeunes en milieu populaire ou encore le centre de jeunes d’Anderlecht déclarent ne jamais avoir été mis en contact avec lui. Deux d’entre elles affirment même «ne jamais en avoir entendu parler». Jamila explique cela par le manque d’effectifs dont souffre le service de concertation. Et pour cause, elles ne sont que deux assistantes à couvrir une zone très large, à savoir Anderlecht, Saint-Gilles et Forest.

Les médias, vecteurs de clichés?

D’après Ana, les médias ne seraient pas les meilleurs alliés de la police. Ils auraient une fâcheuse tendance à mettre l’accent sur l’excès de violence des policiers. «Tous les jours, des policiers font bien le travail, et pourtant on ne voit aux informations pratiquement que ceux qui le font mal», explique-t-elle.

Et lorsqu’ils ne tombent pas dans ce biais, les médias isoleraient les événements de leur contexte, en apposant constamment l’étiquette de victime sur la personne interpellée: «Si les gens savaient, par exemple, que la personne qui a été l’objet d’une intervention musclée de la part de la police a grièvement blessé une dame âgée pour voler son sac, ils n’auraient sûrement pas le même degré de tolérance envers elle», rétorque Jamila. Et en ce qui concerne ces interventions «musclées», cette dernière tient à rappeler qu’elles sont légales lorsqu’elles sont dûment justifiées. Pour Jamila, le policier a donc le droit d’user de la force «lorsque, insiste-t-elle, cela s’avère nécessaire».

«Les jeunes Belges, ajoute Ana, ne connaissent pas assez bien le métier de policier.» D’après elle, la plupart ignorent la réalité du terrain, comme le fait que les policiers reçoivent un signalement spécifique au préalable lorsqu’ils sont à la recherche d’une personne ayant commis un délit. «Ils n’interpellent pas au hasard ou selon des critères raciaux ou religieux, comme beaucoup de jeunes le pensent», souligne Ana.

Que ce soit sous forme de pièces de théâtre, de débats ou de visites de terrain, l’objectif des assistantes de concertation est donc le même: humaniser le policier, faire prendre conscience qu’il est aussi un «ami, un mari, un papa, un voisin…» Il s’agit, en définitive, de montrer aux jeunes que les policiers sont d’abord là pour les protéger, les interventions répressives n’étant qu’un aspect secondaire de leur fonction.

 

Découvrez le reportage photo Stop Répression de Carla Goldberg et Bambeh Keita

 

 

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