Accueil ou retour des migrants : la Belgique, un accueil de transit ?
La Belgique a fortement évolué dans sa politique d’immigration et d’accueil. Elle « a réformé ses politiques d’asile et d’immigration à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, ceci afin de transposer les directives européennes et d’adapter les politiques nationales aux nouveaux choix politiques et aux nouvelles réalités. Ces réformes ont entre autres touché la procédure d’asile, la régularisation et le retour. » Aujourd’hui, celle-ci est-elle toujours axée sur l’accueil ou n’a-t-elle pas viré vers une simple politique de retour ?
L’accord gouvernemental actuel met l’accent sur une politique de retour plutôt qu’une politique d’accueil, que celui-ci soit : « …volontaire si possible, forcé si nécessaire ». Peut-on parler d’une politique de retour de qualité et humaine quand celle-ci induit un retour systématique ?
En se basant sur les idées véhiculées par cette nouvelle politique gouvernementale de migration et d’asile, le message est clair. Le mot d’ordre est la limitation de l’accueil dans le but de réduire une immigration dite « néfaste pour l’économie » et de favoriser une immigration plus sélective. « Si la lutte contre les abus est très clairement la priorité du prochain gouvernement, les migrants contribuant à l’économie semblent privilégiés. En matière de naturalisation les mérites économiques seront désormais pris en compte pour l’octroi de la naturalisation, en plus des mérites sportifs, socioculturels ou scientifiques ».
La nouvelle politique de migration et d’asile ne tendrait-elle pas vers un accueil de transit dans la mesure où celui-ci inscrit les immigrants, dès leurs arrivée, vers un projet de retour?
Ensemble vers une politique harmonisée au sein de l’Europe
Depuis quelques années s’opère une évolution des politiques européennes de l’immigration et de l’asile. Partis d’une volonté commune de libre circulation des travailleurs, des marchandises et des capitaux au sein de l’union Européenne, les pays membres s’orientent aujourd’hui vers une politique de restriction d’accès pour les ressortissants de pays tiers. Ce changement est fortement influencé par une augmentation accrue de l’immigration clandestine et du nombre de demandeurs d’asile.
La mise en place de l’accord de Schengen, avec les conséquences dues à la disparition des contrôles douaniers aux frontières, oblige les signataires à repenser le système de surveillance des frontières avec la mise en place de l’agence Frontex. Dans un intérêt dit commun de lutte contre l’immigration, le travail illégal, la limitation de l’accès passe par une surveillance accrue des frontières. C’est à ce niveau qu’intervient Frontex dans son rôle de garde-frontière.
Selon le Ciré « Le Parlement européen est amené à voter un règlement sur la surveillance maritime par l’agence européenne de coopération pour les frontières extérieures (Frontex). Mais il n’y a pas de quoi se réjouir, car « surveiller » n’est pas « veiller sur ». L’agence Frontex n’est en effet pas mandatée pour sauver des vies mais pour intercepter des migrants… Les interceptions de Frontex visent à stopper les migrants et potentiellement à les renvoyer dans leur pays de provenance, mais pas à améliorer leur sort ».
Frontex, « les mains sales de l’Europe »
Résultat logique de l’accord de Schengen d’ouverture des frontières (1995), signé par une grande majorité des pays de l’Union européenne, l’agence Frontex prend de plus en plus de place aux frontières de l’Europe et étend ses activités de coordination de garde-frontière aux alentours des côtes africaines et aux frontières de l’Europe de l’Est.
Avec des moyens financiers aussi conséquents que ceux d’une véritable armée (88 millions d’euros en 2011, une quarantaine d’hélicoptères et d’avions, une centaine de bateaux et environ 400 unités d’équipement tels que des radars, des sondes, des caméras, etc.), ses activités se traduisent par une surveillance accrue des zones frontalières. Son but principal étant de repousser les ressortissants de pays tiers hors du territoire européen, elle organise des rapatriements de personnes en séjour illégal en vols conjoints depuis plusieurs États-membres.
Aujourd’hui et déjà depuis plusieurs années, Frontex est montrée du doigt par les défenseurs des droits de l’homme pour ses pratiques floues et le mystère qui demeure autour de son implication dans le système de détention des immigrants au sein de certains centres tels que celui de Filakio en Grèce. Bien que ceux-ci ne soient pas sous la gestion directe de l’agence, Frontex reste néanmoins sa principale source de « ravitaillement ». Un fait que déplorent plusieurs de ces organisations.
Une des grosses revendications de ces dernières réside principalement dans les conditions de détention des immigrants. Elles dénoncent notamment plusieurs centres qualifiés d’inhumains (insalubrité, surpeuplement, violence physique et morale, malnutrition etc.) ; la liste est longue.
Frontex joue donc un rôle important dans la prise en charge d’une problématique épineuse qui suscite nombre de réactions dans l’opinion publique. N’est-elle pas aujourd’hui le miroir de l’échec des politiques européennes de l’immigration et de l’asile ? La question se pose.
Sources :
« Frontex le bras armé de l’Europe forteresse », CNCD-11.11.11 et La Cimade.
« Frontex : son budget a été multiplié par 15 en 5 ans », interview de claire Rodier, Alencontre.org, le 3 octobre 2012.