Comment se construit la jeunesse révoltée d’aujourd’hui?

Témoignage de Thomas Pirotte, un jeune homme aux multiples engagements, notamment dans le mouvement «Extinction Rebellion». Propos recueillis par Rafaël Rifflet.

Alter Médialab: Pourrais-tu retracer un peu ton parcours personnel afin que nous puissions voir comment tu en arrives à t’impliquer dans les divers mouvements dont tu as fait ou tu fais encore aujourd’hui partie?

Donc je m’appelle Thomas, j’ai 23 ans et j’étudie les sciences politiques. Depuis tout jeune, l’actualité et la politique internationale m’intéressent. J’aime bien dire que je suis tombé dans la marmite de la politique petit et que je n’en suis jamais vraiment sorti. Mon premier outil de socialisation politique a été la radio, quand j’étais petit on faisait régulièrement des trajets de trois heures en voiture et j’écoutais alors studieusement la radio, j’ai intériorisé beaucoup de choses sans m’en rendre compte. Déjà, en primaire, je m’intéressais à l’actu et pendant longtemps j’ai été frustré de ne jamais avoir eu à l’école une source de connaissance sur ces sujets. Du coup, j’ai un peu fait mon apprentissage hors du cadre scolaire. À 14 ans, j’ai postulé pour être ambassadeur de Plan Belgique, une ONG qui milite pour le respect des droits de l’enfant à travers le monde, ils m’ont pris et je l’ai fait pendant trois ans. Avec Plan Belgique, je me suis formé sur les conditions de vie des enfants dans le monde et le respect relatif de leurs droits selon les continents; ça a été une expérience très enrichissante. Ensuite, j’ai intégré la Team Oxfam de mon école, une activité pas très chronophage, mais ça me semblait important de ne pas être indifférent et de m’impliquer dans une initiative de mon école. Jusqu’à la fin du secondaire, j’ai appris la politique, mais, par la pratique, ce n’est qu’à l’université que j’ai vraiment commencé à m’intéresser aux différentes théories politiques tout en continuant à m’impliquer physiquement dans d’autres projets. Par la suite, j’ai été stagiaire chez MYOC, une asbl qui réalisait une application pour les élections communales, et enfin chez CIVIX, qui est mon engagement le plus poussé à ce jour. Avec CIVIX, dans un premier temps, j’ai créé du contenu pédagogique pour permettre aux jeunes de mieux comprendre les rouages de la politique belge. Ensuite, nous avons lancé un nouveau projet: aller dans les écoles pour animer des ateliers sur la politique belge. Le but était d’abord d’éveiller l’intérêt pour la politique, mais aussi de permettre une interaction et des discussions. Ce sont mes engagements «officiels», sinon je fais aussi des manifs et des actions de désobéissance civile. La dernière fois, j’ai terminé au poste pour l’action d’Extinction Rebellion, ça a fini en arrestation administrative, mais j’étais embarqué à la base pour rébellion.

 «La dernière fois, j’ai terminé au poste avec Extinction Rebellion»

 

Alter Médialab: Comment définirais-tu le rôle que ta scolarité et puis l’université ont joué dans ta prise de conscience?

Pour moi, l’école a été une véritable peine, car bien qu’elle soit le premier lieu de socialisation pour les jeunes citoyens que nous sommes, l’apprentissage du politique en est complètement absent, j’ai toujours fait ce travail personnel parce que justement je considérais l’école comme ne remplissant pas son rôle dans ce domaine. On sort majeur avec zéro éducation politique et aucun outil pour décoder les douilles que les politiciens nous mettent. C’est entre autres pour ça que l’engagement avec CIVIX dans les écoles a du sens, il faut former la jeunesse aux enjeux politiques, surtout en vue d’une potentielle transition politique. J’ai toujours considéré que notre système éducatif faisait des citoyens incapables politiquement pour ne pas permettre une vraie émancipation. L’université m’a beaucoup apporté dans mon apprentissage, de par la diversité des cercles et de la confrontation des idées qui en résulte. Mais l’enseignement, surtout en économie, reste marqué par la logique dominante du libéralisme.

Alter Médialab: Prescrirais-tu une émancipation par rapport à la norme pour observer un réel progrès? Si oui, dans quelle mesure faudrait-il aller à l’encontre de l’ordre établi?

Concernant la transgression des règles, je suis nuancé. Je pense qu’il faut effectivement passer outre, notamment pour l’urgence écologique. Il faut se faire entendre par des voies non légales, mais en ne perdant pas de vue que, la finalité, c’est d’instaurer d’autres normes, plus éthiques, moins inégalitaires et surtout pérennes pour la planète. Actuellement, nous sommes dans un système hiérarchisé, cannibale et écologiquement destructeur, ne rien faire est plus criminel à mes yeux que de cramer une voiture. «Le silence des masses, c’est l’hymne du mal.»

Alter Médialab: Que penses-tu de la réaction du gouvernement belge sur le plan écologique et de son interaction avec les jeunes dans le cadre de ces politiques, je pense ici plus particulièrement aux événements de la place Royale.

L’action place Royale était symbolique, on allait remettre nos doléances au Roi. Ce qui m’a le plus choqué, outre l’inactivité et l’absence de politique climatique, c’est la répression policière et politique pour l’action place Royale. Ils ne tolèrent pas l’expression d’une pensée contradictoire. Recevoir des coups de matraque, des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour une manifestation pacifique, c’était disproportionné.

partager cet article par e-mail partager cet article sur Twitter Partager cet article sur Facebook partager cet article sur Facebook partager cet article sur LinkedIn partager cet article sur Pinterest partager cet article sur WhatsApp

BruXitizen?

Créé par l’Agence Alter en 2012, BruXitizen mobilise chaque année des jeunes de tous horizons sur des enjeux de société. L’occasion aussi pour ces jeunes de prendre la parole et de s’initier aux techniques du journalisme.

En savoir plus »En savoir plus : BruXitizen?

Programme

Au programme des ateliers et des débats pour s’initier, construire, confronter différents points de vues en présence de jeunes, d'acteurs sociaux, d'artistes, de citoyens inspirés et inspirants.

En savoir plus »En savoir plus : Programme

Partenaires

L'Agence Alter s'associe avec le secteur jeunesse pour construire la programmation et mobiliser les jeunes. BruXitizen est soutenu par différents partenaires, merci à eux pour leur confiance.

En savoir plus »En savoir plus : Partenaires

BruXitizen

Archives