COMAC: un cercle révolutionnaire?
Interview de Youri Vertongen, politologue à l’Université Saint-Louis, sur la dimension «révolutionnaire» du cercle du PTB. Propos recueillis par Soline Pellkofer.
Alter Médialab: Est-ce que COMAC joue un rôle dans la stratégie du PTB pour conquérir les jeunes? Si oui, dans quelle mesure est-ce que cela fonctionne?
Youri Vertongen: Certainement. Sinon COMAC n’existerait pas. C’est quand même un des cercles étudiants les plus présents sur les grands campus universitaires, à l’UCL, à l’ULB, même si c’est moins le cas à l’USL-B. Il y a un gros travail, de ce que j’en sais, pour trouver des membres parmi les jeunes étudiants ainsi que de gagner des postes à pouvoir, y compris dans l’administration de l’université. Ça permet notamment à leurs jeunes militants de se faire leurs premières armes avant éventuellement de se faire élire à d’autres niveaux de pouvoir (communal, régional, national). Cela doit être aussi un mouvement de jeunesse qui ramène pas mal de nouveaux jeunes électeurs dans le sillon du vote PTB.
Alter Médialab:Le PTB prend aujourd’hui de plus en plus de poids et a réussi à s’immiscer au centre de l’actualité politique. Selon vous, la stratégie de COMAC, qui est de recruter parmi les jeunes étudiants, fonctionne pour amener le PTB au-devant de la scène?
YV: Force est de constater que, depuis au moins deux législatures, ils ne font que monter dans les intentions de vote et en nombre de voix et de sièges.
Alter Médialab: Les jeunes qui s’affilient à un cercle étudiant ne sont-ils pas trop influençables? À COMAC, on peut devenir membre à partir de 14 ans…
YV: On n’est jamais trop jeune pour s’intéresser à la politique. Pendant tout un temps, c’est Écolo qui poussait pour que l’âge du droit de vote soit abaissé à 16 ans en vue d’impliquer les jeunes dans la politique.
La stratégie du PTB en tant que parti est de grossir ses rangs et c’est aussi d’intéresser manifestement une partie des jeunes aux enjeux soulevés par le parti. Ce n’est pas propre au PTB, c’est le cas aussi des autres partis politiques. Tous les partis politiques ont des formes d’organisation de jeunesse qui relayent dans le secteur étudiant et dans celui de la jeunesse les prérogatives des partis politiques.
Alter Médialab: Dans quelle mesure les cercles politiques étudiants tels que COMAC sont-ils des lieux de contestation?
YV: Manifestement, ce sont surtout des lieux de socialisation.
N’importe quel parti doit gagner des électeurs. Une partie du corps électoral, ce sont les jeunes. Aussi, plus tôt on les attire, mieux se portera le parti, et un cercle étudiant est un endroit parmi d’autres pour recruter des électeurs. Dans cette socialisation, n’importe quel cercle, n’importe quelle association participe à cet enjeu de la socialisation des jeunes à l’idéologie du parti. C’est valable pour le PTB-COMAC, mais c’est valable aussi pour n’importe quel autre parti selon moi.
Alter Médialab: Selon vous, dans quelle mesure le cercle étudiant COMAC est-il révolutionnaire?
YV: Il y a une grosse évolution dans la stratégie du parti PTB depuis une dizaine d’années. Avant ça, la perspective du PTB était davantage révolutionnaire dans le sens où l’enjeu n’était pas d’entrer dans les instances parlementaires, de se faire élire, mais plutôt de travailler sur la base des mouvements sociaux pour que ceux-ci transforment de l’extérieur la politique belge.
Aujourd’hui, on voit qu’on est dans une autre perspective, celle d’avoir des élus, d’être présent dans les instances parlementaires et de faire pression à l’intérieur même du jeu politique. Pour moi, c’est une des caractéristiques qui fait qu’on n’est plus tellement dans une perspective révolutionnaire, mais plutôt dans une perspective de réforme puisque le PTB cherche à intégrer les instances politiques telles qu’elles existent pour pouvoir peser au maximum à l’intérieur de ces instances politiques.
Un groupe radicalement révolutionnaire n’aurait que faire des échéances électorales ainsi que des instances parlementaires et travaillerait uniquement sur le renforcement des mouvements sociaux par exemple ou sur le renforcement de la société contestataire pour influencer de l’extérieur la politique belge. Or, aujourd’hui, on voit plutôt qu’il y a une tentative de transformer la politique nationale de l’intérieur au sein des instances parlementaires en ayant des élus. On est donc moins dans une perspective révolutionnaire que dans une perspective réformiste.
Alter Médialab: Pour le président de COMAC Saint-Louis, «la révolution viendra de la rue, et non du parlement». Qu’en pensez-vous?
YV: C’est sa définition à lui. Manifestement, il est encore dans une perspective révolutionnaire classique. Il faut se rendre compte que le qualificatif révolutionnaire est aussi un qualificatif symbolique. Ni le PTB ni aucun parti n’est pour l’instant en mesure de produire les conditions d’une révolution sociale en Belgique. C’est en ce sens-là que le référent révolutionnaire vise aussi peut-être à attirer un petit peu les jeunes. Quand on est jeune, on est plus intéressé par faire de la politique de manière révolutionnaire que par faire de la politique de manière plus réformiste en s’intégrant dans les logiques parlementaires existantes.
Que le président de COMAC Saint-Louis ait ces propos est une chose, mais son parti, lui, s’inscrit dans une perspective davantage réformiste que révolutionnaire. Il n’empêche peut-être que leurs membres continuent à croire aux grands jours, au moment où il y aura assez de force sociale pour produire les conditions d’une révolution.