Pédagogie active: les élèves au centre de leur apprentissage

L’école est un des lieux privilégiés pour faire naître chez les jeunes une culture participative. Pourtant, dans les faits, on peut observer que l’environnement scolaire classique laisse très peu de place à l’engagement et à la participation active des élèves.
En adoptant une approche inverse et différente des écoles dites «traditionnelles», les écoles à pédagogie active ont pour objectif d’amener les élèves à être acteurs de leurs apprentissages. Par leurs valeurs et principes, les écoles de ce type favorisent cette culture participative au sein de la vie scolaire des élèves. Mais, plus concrètement, qu’est-ce qui les différencie des autres écoles? Pour éclaircir cette question, on vous emmène à l’école Singelijn Second’Air.

L’école Second’Air Singelijn est une école à pédagogie active, située à Schaerbeek. L’apprentissage qui y est pratiqué s’inspire de la pédagogie Decroly, basée sur les principes mêmes de l’intérêt, de la participation et de l’épanouissement de l’élève tout au long de ses apprentissages scolaires. L’accent est également mis sur la collectivité et l’inclusivité. L’école Singelijn dispose également de sections maternelles et primaires.
Elle est la seule à disposer du label «École des Droits de l’enfant», décerné par le délégué général aux Droits de l’enfant, en collaboration avec Plan Belgique et symbole d’une étape franchie dans l’application des droits de l’enfant au quotidien. Le but est la mise en œuvre de la participation à tous les étages pour un mieux-vivre ensemble.
Enfin, Singelijn fait partie du réseau FELSI (Fédération des établissements libres subventionnés indépendants).

Rapports profs-élèves égalitaires
À l’école Singelijn, on met principalement l’accent sur une communication horizontale avec les élèves et la mise en place de multiples projets variés et concrets.
Tutoyer et appeler un professeur par son prénom? Voilà déjà quelque chose d’inconcevable dans les écoles classiques. Pourtant, à Singelijn, c’est tout à fait normal et même favorisé, comme nous confie Célia Caron, professeur de littérature: «On se tutoie et on s’appelle par nos prénoms. On veut vraiment éviter un rapport profs-élèves qui se ferait dans la domination.» En effet, cette communication horizontale permet aux élèves de s’exprimer plus librement, et de ne pas simplement se limiter à une posture passive. Ils prennent donc complètement part à la vie dans la classe. Cette ouverture à la discussion permet naturellement d’avoir un respect mutuel entre le prof et l’élève. Ce mode de communication fonctionne très bien, selon Célia Caron, qui pointe notamment qu’elle a très rarement eu à rétablir de la discipline en classe.

Le Forum: un espace de discussion et de participation

Une fois par mois, un forum est organisé avec les délégués de chaque classe. Le but? Discuter tous ensemble des idées et des revendications qui ont émergé au sein de chaque classe. Le Forum tend naturellement les élèves à s’impliquer davantage dans les prises de décision à l’école. Par exemple, cette année, ce sont les tenues vestimentaires à l’école qui ont été remises en question dans le règlement d’ordre intérieur (ROI). Par conséquent, des aménagements ont été effectués en fonction des revendications des élèves.
Le ROI à Singelijn a initialement été mis en place par la direction, mais ce dernier n’est pas fixe et se modifie chaque année grâce au Forum. Les revendications des élèves sont donc importantes dans la vie collective et démocratique de l’école. Les élèves possèdent donc le pouvoir d’avoir un impact sur leur propre environnement, et ce grâce à une grande marge de discussion ouverte.

Les projets: au cœur de la pédagogie
Pour l’apprentissage des matières scolaires, c’est surtout la mise en place de projets au sein de chaque classe qui est favorisée. Pour Célia Caron, les projets sont même indispensables: «C’est impossible de ne pas faire de projets, par rapport à la philosophie même de l’école.»
En effet, à travers un consensus avec les élèves et le professeur, chaque classe met en place ses propres projets pour l’année scolaire. La mise en place de ces projets amène les élèves à être acteurs de leur propre apprentissage, et ainsi de participer activement à chaque projet.
Par exemple, comme nous explique Célia Caron, cette année avec ses classes de 5e secondaire, dans la cadre du programme scolaire, elle traite principalement du Moyen-Âge. Pour concilier cette matière avec un projet, les élèves ont proposé que le thème de la journée portes ouvertes – qui est en même temps le jour de la fête de l’école – soit le Moyen-Âge. Ainsi les élèves seront amenés à faire des recherches sur cette période pour pouvoir organiser et proposer des activités sur le Moyen-Âge lors de cette journée.

Selen Kaya

Zoom sur le quotidien à Singelijn

Cette pédagogie active, comment les élèves la vivent-ils? Pour y répondre, Marta nous raconte sa vie d’élève à Singelijn. Elle est en 5e secondaire en option communication, qui est donnée en anglais. Elle est arrivée à l’école deux ans plus tôt. Avant ça, elle vivait en Serbie, où le système scolaire était beaucoup plus traditionnel et strict. Cela fait donc deux ans qu’elle étudie à Singelijn, dont elle préfère largement le système d’apprentissage.

Propos recueillis par S. Kaya

À Singelijn, on apprend les matières de manière beaucoup plus pratique, on apprend vraiment à les utiliser dans la vraie vie. On ne nous demande pas juste d’apprendre des définitions par cœur.

MARTA

AML:Pourquoi le système à Singelijn te plaît-il plus que le système traditionnel?

MARTA: À Singelijn, on apprend les matières de manière beaucoup plus pratique, on apprend vraiment à les utiliser dans la vraie vie. On ne nous demande pas juste d’apprendre des définitions par cœur. Je trouve ce système beaucoup plus intéressant que le système traditionnel. Ça donne plus envie d’apprendre et ça donne plus de motivations, car on sait que ce qu’on apprend nous sert vraiment à quelque chose de concret.

AML:Quels sont les projets auxquels tu participes cette année?

M: Cette année, avec 19 autres élèves de ma classe, on participe à un Erasmus+, dans le cadre du projet Débagora qui est un outil bruxellois d’éducation à la citoyenneté et au débat (voir encadré). En novembre, on avait reçu des élèves de Chypre dans notre école pendant une dizaine de jours, et maintenant c’est à nous d’aller là-bas. Sur place, on va réaliser un documentaire sur l’immigration. On a également eu droit à un budget avec lequel on doit s’organiser pour tout financer là-bas.

AML:Est-ce que tu te sens impliquée dans la vie scolaire?

M: Oui, vraiment, je trouve que le Forum, l’espace de discussion au sein de l’école, aide beaucoup à participer et à donner notre avis. Car, à chaque fois, on a des retours par rapport à ce qu’on propose ou revendique. Les profs et l’administration se consacrent vraiment à ce qu’on leur exprime. Ils s’investissent dans les points qu’il faut régler, comme des problèmes ou encore des relations entre les élèves et les profs. Aussi le fait qu’on tutoie les profs, je pense aussi que ça rend nos relations encore meilleures, c’est comme si on était au même niveau, pas comme dans l’éducation traditionnelle où le prof est toujours au-dessus des élèves. On collabore, on travaille tous ensemble, et les profs nous guident et nous aident.

AML: Penses-tu qu’être allée dans une école à pédagogie active aura un impact positif pour ton futur?

M: Oui, je pense que ça va beaucoup m’aider. On apprend à discuter et écouter les autres, concrètement à tisser des liens avec les uns et les autres, malgré nos différences culturelles et d’opinions. On nous apprend aussi déjà certains aspects plus techniques qui nous seront utiles dans la vraie vie, par exemple tout ce qui est lié au numérique. On nous prépare vraiment par rapport au monde actuel.

L’outil pédagogique «Débagora»

Cette année les élèves de 5e secondaire à Singelijn participent à un projet bruxellois nommé «Jeunes et enjeux politiques», dans le cadre de ce projet s’est créé l’outil pédagogique «Débagora». Depuis la création du projet en 2018, c’est plus de 1.200 élèves de la capitale qui ont pu prendre part au projet.
Plus concrètement, Débagora est une plateforme numérique qui a pour objectif de soutenir et de former les jeunes à l’art oratoire et au processus démocratique et politique, à travers de nombreuses activités théoriques et pratiques. Ces activités ont pour but d’introduire les jeunes à l’apprentissage des institutions politiques, à l’art du débat, mais également à pousser leurs réflexions et leurs opinions sur des enjeux politiques.
La thématique pour l’année 2022-23 traitant des inégalités, les élèves de Singelijn ont approfondi la question pour s’intéresser plus précisément à l’immigration. Ils ont réalisé des activités autour de cette thématique, comme des sorties extrascolaires dans des institutions, ou encore des débats entre eux en classe. L’aboutissement de ce projet à Singelijn se clôturera par la réalisation d’un documentaire sur l’immigration, tourné à Chypre durant le mois de mars.
«Jeunes et enjeux politiques», c’est surtout la volonté d’intégrer les jeunes de 15 à 20 ans dans la politique et leur permettre d’avoir une voix dans l’espace public.

S.K.