Quelle révolution pour le COMAC Saint-Louis?
COMAC est un cercle communiste qui compte plus de 10.000 membres actifs en Belgique parmi la communauté estudiantine. Il prône un changement radical marxiste de notre société. Mais préconise-t-il une révolution? Réponses de cette organisation à travers ses idées et celles du président de ce cercle pour l’Université Saint-Louis, Hugo Sonck.
COMAC est une organisation de jeunesse nationale bilingue du Parti du Travail de Belgique (PTB) qui est présente dans les villes estudiantines de Belgique et qui rassemble des jeunes de 14 à 30 ans. Comme l’indique son acronyme, COMAC rassemble ces jeunes autour de cinq idées: Changement Optimisme Marxisme Activisme Créativité. Ce cercle politique est le seul cercle à l’échelle nationale. Selon le président du COMAC Saint-Louis, Hugo Sonck, cela représente «un véritable casse-tête administratif, mais qui en vaut la peine». En effet, un cercle national implique une interaction entre ses membres francophones et néerlandophones, ce qui permet de prendre en compte les divers points de vue du nord et du sud du pays et ainsi d’élargir les débats et réflexions.
COMAC, initiateur ou victime des polémiques?
Contrairement à certains cercles étudiants politiques, COMAC se tient à l’écart des polémiques qui pourraient entacher leur image. Cependant, il n’est pas toujours possible d’y échapper. La dernière polémique en date en lien avec COMAC a été lancée en 2017 par Dylan Vandersnickt, l’ancien vice-président des jeunes N-VA: elle visait une étudiante de COMAC. Un montage photo a été publié représentant une des membres de COMAC VUB se faisant violer par des migrants, que Dylan Vandersnickt avait représentés par divers «Pepe the Frog». Cette grenouille est un symbole adopté par la droite nationaliste américaine. Le montage de l’ex-vice-président était accompagné d’un commentaire qui disait «#refugees welcome». Rapidement le montage a pris une certaine ampleur médiatique et a poussé le président des jeunes N-VA à réagir pour essayer d’apaiser la polémique, et Dylan Vandersnickt a été contraint de démissionner. Cette polémique a surtout permis à COMAC de prendre la parole au sujet des menaces et intimidations que le cercle subissait régulièrement de la part des jeunes N-VA.
Un droit à l’éducation pour tous
Si le cercle cherche à éviter les polémiques, COMAC est présent sur bien des sujets qui suscitent des débats au sein de la société: par exemple récemment, la ministre de l’Enseignement supérieur pour la Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny (MR), voulait que des milliers d’étudiants précaires remboursent une aide financière qu’ils avaient reçue il y a deux ans. COMAC, tout comme la FEF, une autre fédération étudiante, s’est opposé à ce remboursement. Pour ce faire, COMAC a publié sur son site internet des arguments en faveur de l’annulation des demandes de remboursement des aides reçues, comme le fait que la précarité étudiante soit en croissance ces dernières années et que le remboursement de ces aides les pousserait à arrêter leurs études par manque de moyens, ce qui a finalement été avalisé par les autorités. Ce cercle étudiant s’est également engagé dans le débat pour la diminution du coût des études et plaide pour celle-ci afin de répondre à l’urgence sociale. Ce sont des sujets qui ont été au cœur du débat sociétal au cours des derniers mois, mais que COMAC a pris à bras-le-corps.
De façon plus globale, le système éducatif dans notre pays empêche un certain nombre de jeunes de s’accomplir à travers les études. En effet, des études montrent que le niveau de diplôme des parents exerce une influence considérable sur le futur de leurs enfants. Un jeune dont la mère n’a qu’un diplôme de primaire ou du secondaire a moins de chance d’effectuer des études universitaires qu’un jeune dont la mère a un diplôme du supérieur de type universitaire. COMAC se donne pour mission de mettre fin à ces inégalités sociales. Par ailleurs, ce cercle voudrait parvenir à détruire le système élitiste qui est au fondement du système de reproduction sociale. Aujourd’hui, il existe d’autres freins à l’accès à l’université que la reproduction sociale, tels que le coût des études supérieures. COMAC milite pour un enseignement de qualité accessible à toutes et à tous ainsi que pour un enseignement réellement gratuit à tous les niveaux.
COMAC et le climat
Le climat est un autre sujet dont tous les cercles politiques étudiants s’emparent. En effet, les derniers-nés de la génération Y ainsi que de la génération Z, dite génération silencieuse, sont baignés dans l’incertitude quant à l’avenir de la planète, depuis leur enfance pour les plus avertis et depuis leur adolescence pour les autres. Il ne fait aucun doute que ces deux générations sont conscientes de l’enjeu que représente le climat et sont à l’initiative des marches pour le climat en Belgique mais aussi ailleurs dans le monde. COMAC propose des mesures pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C dans les traces de l’Accord de Paris de 2015, comme une réduction de 60 % des gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Selon COMAC, un groupe de jeunes peut changer le monde, mais à certaines conditions. La première est qu’il faut que ces jeunes soient nombreux. La deuxième condition est qu’il faut que ces jeunes parviennent à se mobiliser, se battre et à persister dans le temps. C’est grâce à la pression de la rue que le climat est au premier plan dans l’agenda politique aujourd’hui. Cependant une transition écologique ne peut pas se faire en un claquement de doigts et la transition que prône COMAC aura fort à faire face aux multinationales, aux lobbys, pour qui cette transition écologique ne serait pas profitable. Car, selon les jeunes PTB, «la révolution climatique sera sociale ou elle ne sera pas». COMAC prône ainsi une sortie du système capitaliste qui serait responsable de la crise climatique dans laquelle nous sommes empêtrés aujourd’hui et dont les conséquences pourraient s’avérer catastrophiques…
Selon le président de COMAC Saint-Louis, pour sortir de l’impasse climatique, il faut en effet une révolution climatique et sociale ambitieuse. Mais comment parvenir à cette révolution? D’après Hugo Sonck, il faut, entre autres, faire payer les vrais responsables, c’est-à-dire, les multinationales: «Aujourd’hui en Belgique, il y a seulement cinq multinationales qui sont à elles seules responsables de 20 % de la pollution belge.» Il faut selon lui mettre en place des mesures qui ne précarisent pas la population, telle une gratuité des transports en commun, plutôt que de taxer encore un peu plus les voitures. La question autour des émissions de CO2 a débouché sur un principe plutôt connu, qui est le European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS), alias le marché carbone. Ce système a débouché sur une utilisation abusive de la part de certaines entreprises: «Il permet aujourd’hui à des multinationales de faire des profits tout en polluant encore plus qu’auparavant», explique Hugo Sonck. Le marché carbone, selon le président du COMAC, devrait faire partie de l’histoire, et non du présent.
Une égalité sociale pour tous
Aujourd’hui, les inégalités sociales grandissent un peu plus chaque jour: selon COMAC, les riches deviennent plus riches et les pauvres deviennent plus pauvres. Ce cercle vicieux est alimenté par le système économique propre à notre société. «Aujourd’hui, 1 % de la population mondiale possède plus de richesse que les 99 % restants», explique le président de COMAC Saint-Louis.
Ce que COMAC veut, c’est une société différente où l’égalité et la solidarité seraient de mise. Cette société prônée par COMAC est une société où tous les individus auraient droit à un avenir, un travail bien rémunéré, mais aussi du temps libre. Pour parvenir à cette société idéale envisagée par COMAC, il faut parvenir à une révolution qui mènerait vers une distribution du pouvoir et des richesses entre les mains de la population. Le racisme est aussi un point important pour COMAC. Un sujet trop peu traité par certains politiciens alors que d’autres instrumentalisent cette thématique pour diviser encore un peu plus le pays. COMAC propose une société où les diverses formes de discrimination seraient interdites et où la diversité serait encouragée et serait considérée comme une richesse.
Comment parvenir à cette révolution?
Plusieurs réponses sont apportées à cette question de la nécessité d’une révolution et toutes ces réponses sont interreliées. Hugo Sonck explique que le PTB a dévoilé sur son site internet «son programme en 10 points pour une révolution climatique et sociale». Dans ce programme, on retrouve des citations chocs comme: «Si le climat était une banque, il serait déjà sauvé»; un programme qui s’accompagne d’une proposition qui, dans ce cas-ci, représenterait un investissement public annuel de 5 milliards d’euros supplémentaires. «La révolution ne viendra pas du parlement, mais de la rue. C’est à la rue de mettre la pression sur les politiques comme avec les marches pour le climat», rétorque Hugo Sonck.
Si Hugo et COMAC ne parlent pas d’une révolution par la force, elle passe par des actions des citoyens et par des remaniements profonds de la société dans laquelle ces jeunes évoluent pour tendre vers une société plus égalitaire en termes de droits, mais aussi d’un point de vue social.
COMAC à Saint-Louis
Contrairement à l’ULB ou à l’UCL, COMAC Saint-Louis est un cercle comprenant un nombre d’adhérents restreint. À Saint-Louis, il y a 42 membres sur le groupe fermé Facebook. Ce chiffre n’est pas énorme, mais il faut veiller à ne pas oublier que le cercle COMAC existe à l’USL-B depuis septembre 2019.
COMAC Saint-Louis organise une activité par quadrimestre. La première activité avait comme objet le harcèlement sexuel. Cette activité était organisée en lien avec «la marche contre les violences faites aux femmes» de novembre 2019. COMAC Saint-Louis s’est aussi associé à six autres cercles étudiants de Saint-Louis pour organiser le «Saint-Louis 4 Women’s Rights» afin de mettre à l’honneur les deux jours de grève historiques qui se sont déroulés les 8 et 9 mars 2020.
COMAC: un cercle révolutionnaire?
Interview de Youri Vertongen, politologue à l’Université Saint-Louis, sur la dimension «révolutionnaire» du cercle du PTB. Propos recueillis par Soline Pellkofer.
Est-ce que COMAC joue un rôle dans la stratégie du PTB pour conquérir les jeunes? Si oui, dans quelle mesure est-ce que cela fonctionne?
Youri Vertongen: Certainement. Sinon COMAC n’existerait pas. C’est quand même un des cercles étudiants les plus présents sur les grands campus universitaires, à l’UCL, à l’ULB, même si c’est moins le cas à l’USL-B. Il y a un gros travail, de ce que j’en sais, pour trouver des membres parmi les jeunes étudiants ainsi que de gagner des postes à pouvoir, y compris dans l’administration de l’université. Ça permet notamment à leurs jeunes militants de se faire leurs premières armes avant éventuellement de se faire élire à d’autres niveaux de pouvoir (communal, régional, national). Cela doit être aussi un mouvement de jeunesse qui ramène pas mal de nouveaux jeunes électeurs dans le sillon du vote PTB.
Le PTB prend aujourd’hui de plus en plus de poids et a réussi à s’immiscer au centre de l’actualité politique. Selon vous, la stratégie de COMAC, qui est de recruter parmi les jeunes étudiants, fonctionne pour amener le PTB au-devant de la scène?
YV: Force est de constater que, depuis au moins deux législatures, ils ne font que monter dans les intentions de vote et en nombre de voix et de sièges.
Les jeunes qui s’affilient à un cercle étudiant ne sont-ils pas trop influençables? À COMAC, on peut devenir membre à partir de 14 ans…
YV: On n’est jamais trop jeune pour s’intéresser à la politique. Pendant tout un temps, c’est Écolo qui poussait pour que l’âge du droit de vote soit abaissé à 16 ans en vue d’impliquer les jeunes dans la politique.
La stratégie du PTB en tant que parti est de grossir ses rangs et c’est aussi d’intéresser manifestement une partie des jeunes aux enjeux soulevés par le parti. Ce n’est pas propre au PTB, c’est le cas aussi des autres partis politiques. Tous les partis politiques ont des formes d’organisation de jeunesse qui relayent dans le secteur étudiant et dans celui de la jeunesse les prérogatives des partis politiques.
Dans quelle mesure les cercles politiques étudiants tels que COMAC sont-ils des lieux de contestation?
YV: Manifestement, ce sont surtout des lieux de socialisation.
N’importe quel parti doit gagner des électeurs. Une partie du corps électoral, ce sont les jeunes. Aussi, plus tôt on les attire, mieux se portera le parti, et un cercle étudiant est un endroit parmi d’autres pour recruter des électeurs. Dans cette socialisation, n’importe quel cercle, n’importe quelle association participe à cet enjeu de la socialisation des jeunes à l’idéologie du parti. C’est valable pour le PTB-COMAC, mais c’est valable aussi pour n’importe quel autre parti selon moi.
Selon vous, dans quelle mesure le cercle étudiant COMAC est-il révolutionnaire?
YV: Il y a une grosse évolution dans la stratégie du parti PTB depuis une dizaine d’années. Avant ça, la perspective du PTB était davantage révolutionnaire dans le sens où l’enjeu n’était pas d’entrer dans les instances parlementaires, de se faire élire, mais plutôt de travailler sur la base des mouvements sociaux pour que ceux-ci transforment de l’extérieur la politique belge.
Aujourd’hui, on voit qu’on est dans une autre perspective, celle d’avoir des élus, d’être présent dans les instances parlementaires et de faire pression à l’intérieur même du jeu politique. Pour moi, c’est une des caractéristiques qui fait qu’on n’est plus tellement dans une perspective révolutionnaire, mais plutôt dans une perspective de réforme puisque le PTB cherche à intégrer les instances politiques telles qu’elles existent pour pouvoir peser au maximum à l’intérieur de ces instances politiques.
Un groupe radicalement révolutionnaire n’aurait que faire des échéances électorales ainsi que des instances parlementaires et travaillerait uniquement sur le renforcement des mouvements sociaux par exemple ou sur le renforcement de la société contestataire pour influencer de l’extérieur la politique belge. Or, aujourd’hui, on voit plutôt qu’il y a une tentative de transformer la politique nationale de l’intérieur au sein des instances parlementaires en ayant des élus. On est donc moins dans une perspective révolutionnaire que dans une perspective réformiste.
Pour le président de COMAC Saint-Louis, «la révolution viendra de la rue, et non du parlement». Qu’en pensez-vous?
YV: C’est sa définition à lui. Manifestement, il est encore dans une perspective révolutionnaire classique. Il faut se rendre compte que le qualificatif révolutionnaire est aussi un qualificatif symbolique. Ni le PTB ni aucun parti n’est pour l’instant en mesure de produire les conditions d’une révolution sociale en Belgique. C’est en ce sens-là que le référent révolutionnaire vise aussi peut-être à attirer un petit peu les jeunes. Quand on est jeune, on est plus intéressé par faire de la politique de manière révolutionnaire que par faire de la politique de manière plus réformiste en s’intégrant dans les logiques parlementaires existantes.
Que le président de COMAC Saint-Louis ait ces propos est une chose, mais son parti, lui, s’inscrit dans une perspective davantage réformiste que révolutionnaire. Il n’empêche peut-être que leurs membres continuent à croire aux grands jours, au moment où il y aura assez de force sociale pour produire les conditions d’une révolution.